La claustrophobie, cette peur marquée et irrationnelle des espaces clos, peut s’infiltrer dans la vie sociale de manière insidieuse. Si elle se manifeste principalement dans des lieux restreints comme les ascenseurs, les tunnels ou les salles sans fenêtres, elle prend une autre ampleur lorsqu’elle entre en conflit avec les exigences et attentes du tissu social. En famille ou entre amis, le besoin de participer à des activités collectives, de voyager, d’assister à des événements ou de partager des moments simples comme un dîner dans un restaurant bondé peut devenir une véritable épreuve pour une personne claustrophobe. Cette peur, bien réelle et souvent incomprise, engendre un sentiment de décalage, voire de culpabilité, dans les relations avec les proches.

Il ne s’agit pas uniquement d’une question d’inconfort personnel, mais d’un enjeu de communication, d’adaptation et de respect des limites dans un contexte social. Comment gérer la claustrophobie en expliquant son mal-être sans craindre d’être jugée, tout en continuant à entretenir des liens sociaux solides ? Comment les proches peuvent-ils adopter une attitude à la fois empathique et constructive face à des situations qui les dépassent parfois ?

Le vécu de chacun diffère selon les origines de la claustrophobie, son intensité, et les dynamiques relationnelles en jeu. À travers plusieurs exemples de la vie courante, ce texte explore les différentes manières d’aborder cette phobie dans un cadre social. Il s’agit de mieux comprendre ses implications et de proposer des pistes concrètes pour permettre à chacun de maintenir des relations harmonieuses, tout en respectant les réalités de cette peur profonde.

Quand la claustrophobie s’invite dans les activités entre amis

Il n’est pas rare que les cercles d’amis organisent des sorties collectives censées renforcer les liens et créer des souvenirs communs. Pourtant, pour une personne claustrophobe, certaines de ces activités prennent une tournure angoissante. C’est notamment le cas lorsque l’idée, courante en famille et plus encore pour un groupe d’amis, d’un escape game est proposée. Cette activité fort sympathique pour tous les autres, peut-être un défi énorme pour une personne atteinte de claustrophobie puisqu’elle consiste à s’enfermer volontairement dans une ou plusieurs pièces fermées, parfois petites, pendant une durée déterminée, généralement une heure, et en devant résoudre une série d’énigmes pour pouvoir « en sortir ». Ludique et stimulant pour la majorité, imaginez l’angoisse potentielle pour celle ou celui qui ressent une peur panique à l’idée de ne pas pouvoir sortir à tout moment quand quelqu’un lance l’idée de cette activité.

Dans ce type de contexte, le sentiment de dualité est intense. D’un côté, la personne claustrophobe souhaite participer, ne pas apparaître comme celle qui gâche l’ambiance ou qui fait preuve de manque d’enthousiasme. De l’autre, elle anticipe avec anxiété l’expérience à venir, imaginant déjà l’air qui manque, les murs qui se resserrent et la panique qui monte. Le dilemme devient une source de stress supplémentaire, au-delà même de la phobie elle-même.

Pour faire face à une telle situation, il devient essentiel d’envisager une communication ouverte avec les amis. Plutôt que de chercher à dissimuler ou à éviter le sujet, exprimer avec des mots simples l’existence de la peur des lieux clos permet souvent de désamorcer les malentendus. La sincérité peut surprendre, mais avec de vrais amis elle ouvre la voie à l’empathie. Dans certains cas, l’activité sera modifiée, en optant pour un escape game en extérieur comme un escape game urbain ou un autre loisir plus compatible et dans d’autres, la personne concernée insistera pour accompagner les amis et qu’il puisse tout de même effectuer l’activité mais sans participer directement et en étant présente avant et après l’activité. L’important est de pouvoir communiquer clairement, tout en préservant le lien affectif avec le groupe. Ce type d’ajustement ne constitue pas une concession douloureuse, mais une forme d’intelligence relationnelle partagée.

En famille, le poids du silence et des obligations

Dans le cadre familial aussi la claustrophobie peut ne pas être prise au sérieux par toutes et par tous créant des situations problématiques. Par exemple, certains membres d’une famille, souvent les plus âgés et / ou ceux qui sont peu informés sur les troubles anxieux, pourraient avoir tendance à considérer cela comme une exagération ou une forme d’attention excessive. Lorsque la phobie se manifeste, par exemple lors d’un repas dans une pièce étroite pendant une réunion de famille, la personne concernée peut être confrontée à des remarques blessantes, des regards condescendants ou un silence lourd à porter.

infographie gérer la claustrophobie en famille

Le problème est parfois plus complexe dans la famille (au sens large surtout) qui, plus que les amis, repose souvent sur une logique d’obligation : il faut être présent, se montrer disponible, participer aux événements, etc. Or, certaines situations sont véritablement invivables pour une personne souffrant de peur des espaces confinés. Prendre l’avion pour rejoindre une destination lointaine, dormir dans une chambre sans fenêtre, ou partager un mobil-home étroit peut transformer un événement censé être joyeux en source d’angoisse profonde.

Dans ces cas, la prévention joue un rôle majeur. Prévenir à l’avance les proches, expliquer calmement les contraintes personnelles, proposer des alternatives ou des compromis permet d’éviter les crises sur place. Il n’est pas nécessaire d’entrer dans des détails médicaux ou psychologiques, mais de faire comprendre que certaines situations ne sont tout simplement pas supportables. Cela ne remet pas en cause l’amour ou l’attachement familial, mais pose des conditions pour que chacun se sente respecté.

La répétition joue aussi un rôle important. Lorsqu’un proche exprime à plusieurs reprises ses limites de façon cohérente, les membres de la famille finissent souvent par les intégrer dans leur fonctionnement collectif. À long terme, cette honnêteté favorise des relations plus saines et authentiques.

Les malentendus dans les transports en commun

Les transports en commun représentent un défi constant pour de nombreuses personnes atteintes de claustrophobie. Métro bondé, train à grande vitesse sans issue immédiate, bus dont les portes ne s’ouvrent qu’à l’arrêt… autant de contextes susceptibles de déclencher une crise d’angoisse. Lorsque ces situations surviennent alors qu’un proche accompagne la personne concernée, il peut y avoir une forme d’incompréhension du proche devant ce stress qu’il ne comprend pas.

Imaginons deux personnes qui souhaitent se rendre à un concert dans une grande ville. Le métro semble la solution la plus rapide, mais si la personne essaie de se faire violence et / ou dissimule sa claustrophobie et que dès l’entrée dans la rame, elle commence à ressentir une gêne intense, puis une panique sourde que va-t-il se passer ? D’un côté, pendant que la personne claustrophobe devra gérer la transpiration, les vertiges, ou encore le besoin irrépressible de sortir, l’autre ne comprendra pas ce qui se passe et / ou pourra réagir avec impatience ou irritation, pensant à tort à une crise de nerfs ou un caprice.

Dans ce type de situation, une bonne gestion repose sur l’anticipation. Prévoir un trajet alternatif, même plus long, peut s’avérer plus bénéfique que de vouloir forcer coûte que coûte l’utilisation du métro. La personne claustrophobe, de son côté, peut travailler sur des stratégies d’adaptation, comme la visualisation mentale, la respiration contrôlée ou l’écoute de musique apaisante au casque. Mais ces techniques nécessitent du temps, de l’expérience et surtout un environnement sans pression.

L’accompagnement par un proche bienveillant fait aussi toute la différence. Savoir reconnaître les premiers signes de panique, proposer une sortie immédiate, ne pas minimiser l’intensité du malaise : autant de gestes simples qui permettent à la personne de se sentir en sécurité et comprise.

Les rendez-vous médicaux et l’incompréhension professionnelle

La claustrophobie peut s’exprimer dans des contextes apparemment anodins, mais très fréquents. C’est le cas lors des rendez-vous médicaux. Une IRM, un scanner ou même une simple prise de sang dans une salle étroite peuvent devenir des épreuves majeures. Le problème se complique encore possiblement lorsqu’un proche insiste pour accompagner la personne, sans toujours connaître ou comprendre la nature réelle du problème.

Certaines personnes claustrophobes renoncent à des examens médicaux importants par peur de revivre une crise. Elles préfèrent prendre des risques pour leur santé plutôt que d’affronter l’enfermement temporaire d’une machine médicale. Lorsqu’un conjoint, un parent ou un ami insiste pour “ne pas exagérer” ou pousse à “faire un effort”, cela renforce le sentiment d’isolement et de culpabilité.

Dans le milieu professionnel, les enjeux sont différents, mais tout aussi complexes. Participer à une réunion dans une salle sans fenêtre, s’enfermer dans un ascenseur pour se déplacer à un autre étage et ne pas pouvoir choisir les escaliers parce qu’on est engagé dans une conversation avec une personne qu’on se doit d’écouter et qui se dirige vers l’ascenseur pour se rendre au même endroit que vous, travailler dans un open space sans possibilité de sortie rapide peut générer une anxiété permanente. Là encore, l’enjeu de la communication est fondamental. Expliquer ses limites, proposer des adaptations (comme prendre les escaliers, demander une salle plus ouverte), et créer un climat de confiance permet de réduire considérablement l’angoisse liée à ces situations.

La reconnaissance des troubles anxieux dans le monde professionnel est encore limitée, mais elle progresse. Une personne qui parvient à exprimer calmement ses besoins, avec des solutions concrètes, a plus de chances d’être entendue. Les proches, qu’ils soient collègues ou managers, jouent un rôle de relais : leur écoute et leur attitude peuvent faire basculer une journée difficile vers une expérience plus gérable.

La vie quotidienne et les gestes simples qui changent tout

Au-delà des grandes situations sociales, la claustrophobie s’insinue aussi dans les petits gestes du quotidien. Fermer la porte de la salle de bain, s’enfermer pour dormir, rester coincé dans un embouteillage à l’intérieur d’une voiture avec les vitres fermées… autant de moments anodins pour la majorité, mais qui peuvent devenir sources de panique pour certains.

Les proches, qu’il s’agisse du cercle familial ou amical, n’ont pas toujours conscience de la portée de ces détails. Pourtant, une simple porte entrouverte, une voiture ventilée, ou une chambre avec un accès facile à l’extérieur peuvent transformer le vécu d’une personne claustrophobe. Il ne s’agit pas de créer une dépendance ou de satisfaire tous les désirs, mais d’introduire une forme de flexibilité bienveillante dans les habitudes partagées.

Pour la personne qui doit constamment réfléchir à comment gérer la claustrophobie, l’apprentissage de la gestion émotionnelle est également essentiel. La claustrophobie ne se “soigne” pas du jour au lendemain, mais elle peut être atténuée grâce à des approches psychothérapeutiques, notamment les thérapies cognitivo-comportementales, la désensibilisation progressive, ou encore les techniques de pleine conscience. Ces outils ne dispensent pas des ajustements sociaux, mais permettent d’avancer avec plus de sérénité dans les interactions.

Ce sont souvent les petits changements, les micro-adaptations, qui permettent une meilleure inclusion. Un groupe d’amis qui choisit un restaurant avec terrasse, une famille qui opte pour un hébergement spacieux, un collègue qui propose une alternative à l’ascenseur… toutes ces attentions ne relèvent pas de l’exception, mais d’un rapport renouvelé à l’autre, fait d’écoute, de compréhension et d’adaptation réciproque.

La claustrophobie, loin d’être un simple caprice, interroge profondément les manières de vivre ensemble. C’est dans l’espace partagé, dans la relation aux autres, que cette peur se manifeste avec le plus de force, mais aussi avec le plus de possibilités de transformation.

C.S